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Étude TREE : premiers résultats sur les parcours de formation post-obligatoires des jeunes ayant terminé l’école obligatoire en 2016 2/2022

L’école – et après ?

De plus en plus de jeunes accomplissent une formation générale, tandis que la part de ceux qui entreprennent une formation professionnelle initiale diminue. Les jeunes femmes et les élèves de Suisse romande sont particulièrement attirés par les gymnases ou les écoles de culture générale. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats de l’enquête longitudinale auprès de la seconde cohorte TREE, qui a terminé la scolarité obligatoire en 2016. En comparaison avec la première cohorte TREE de l’année 2000, l’importance de l’origine sociale et du type d’école fréquenté au degré secondaire I pour le parcours de formation consécutif reste élevée. Par ailleurs, malgré des conditions changées sur le marché des places d’apprentissage, plus d’un cinquième des jeunes se retrouvent toujours encore au départ dans une solution transitoire.


TREE (Transitions de l’École à l’Emploi) observe depuis plus de 20 ans des jeunes en fin de scolarité obligatoire de toute la Suisse dans leur parcours à travers les formations post-obligatoires vers la vie adulte et professionnelle. En 2016, l’enquête longitudinale auprès de la seconde cohorte TREE (TREE2) a été lancée, transformant ainsi TREE en étude comparative multi-cohortes.

La formation générale a le vent en poupe

Au total, 22 % de la cohorte se trouvaient un an après l’école obligatoire dans diverses solutions transitoires ou stages destinés à ouvrir la voie à une formation certifiante (17 %) ou ne suivaient aucune activité de formation (formelle) (5 %).

Les données actuellement disponibles permettent d’observer le parcours des jeunes interrogés dans le cadre de TREE sur une période d’environ 24 mois, soit du printemps/été 2016 au printemps/été 2018. Selon les premiers résultats publiés récemment (Gomensoro, A., Meyer, T. 2021), plus de trois quarts des jeunes interrogés étaient passés en 2017, un an après la fin de la scolarité obligatoire, à une formation « certifiante » au degré secondaire II (voir diagramme), c’est-à-dire à une formation débouchant sur une première certification post-obligatoire reconnue. 47 % d’entre eux suivaient une formation professionnelle initiale (zones vertes dans le diagramme), tandis que 31 % fréquentaient une école de formation générale (zones bleues). Au total, 22 % de la cohorte se trouvaient un an après l’école obligatoire dans diverses solutions transitoires ou stages destinés à ouvrir la voie à une formation certifiante (17 %) ou ne suivaient aucune activité de formation (formelle) (5 %).

Figure 1: Situation de formation de la cohorte TREE2 en première et deuxième année post-obligatoire (2017/18)
Légende : FP = formation professionnelle ; MP1 = maturité professionnelle de type 1 (parallèle à la formation professionnelle initiale). Pour des raisons d’erreurs d’arrondissement, les pourcentages agrégés peuvent différer légèrement de la somme des valeurs individuelles qu’ils somment.

Un an plus tard, au printemps/été 2018, la part des jeunes dans des filières de formation professionnelles ou générales était passée à 92 % (formation professionnelle 60 %, formation générale 32 %), tandis que 8 % de la cohorte ne fréquentaient aucune formation certifiante du degré secondaire II.

Comme le fait ressortir la figure 1, la dynamique principale des parcours de formation discontinus durant les deux premières années post-obligatoires s’observe surtout entre les différentes solutions transitoires ou l’absence de formation d’une part et la formation professionnelle d’autre part. Alors que près de 10 % de la cohorte fréquentaient une dixième année scolaire, près de 4 % effectuaient un stage. La catégorie « autres solutions transitoires » englobe une multitude d’activités « préparatoires à la formation » tels que les séjours linguistiques et les séjours au pair, les semestres de motivation, les préapprentissages et bien d’autres encore.

Environ trois quarts des jeunes qui ont fréquenté des solutions transitoires et accompli des stages durant la première année ont accédé la deuxième année à une formation certifiante du degré secondaire II (pour la plupart une formation professionnelle initiale d’une durée de trois ou quatre ans). Il en va de même pour environ deux tiers de celles et ceux qui n’avaient pas suivi de formation formelle au cours de la première année. Les parcours représentés dans le diagramme sous-estiment en tendance les discontinuités des parcours de formation dans leur ensemble, puisqu’ils ne tiennent pas compte des changements de formation, des redoublements de classes ou des interruptions au cours d’une formation donnée. La situation de formation dans les deux premières années après l’école obligatoire varie fortement en fonction des caractéristiques socio-démographiques et socio-spatiales.

En ce qui concerne le sexe, nos résultats confirment le constat fréquent selon lequel les jeunes femmes sont beaucoup plus nombreuses (+10 points de pourcentage) à fréquenter les écoles de formation générale que les jeunes hommes. Par ailleurs, leur part dans les solutions transitoires et les stages de première année était nettement plus élevée que celle de leurs collègues masculins (20 % contre 15 %). Ceci est particulièrement vrai pour les stages, que les femmes ont effectués deux fois plus souvent que les hommes (6 % contre 3 %).

En ce qui concerne les différences entre les régions linguistiques, deux tiers de la cohorte (63 %) suivaient durant la deuxième année une formation professionnelle en Suisse alémanique, contre environ 40 % seulement en Suisse romande.

En ce qui concerne les différences entre les régions linguistiques, deux tiers de la cohorte (63 %) suivaient durant la deuxième année une formation professionnelle en Suisse alémanique, contre environ 40 % seulement en Suisse romande. À l’inverse, la proportion des élèves francophones suivant une formation générale était presque deux fois plus élevée (48 %) qu’en Suisse alémanique. Par ailleurs, plus d’un quart des jeunes de Suisse romande (26 %) fréquentaient une solution transitoire, effectuaient un stage ou ne suivaient pas de formation du tout, contre 21 % en Suisse alémanique et 12 % seulement en Suisse italienne.

L’impact persistant de l’origine sociale

Si l’on considère le type d’école fréquenté par les jeunes au degré secondaire I, le schéma de la transition pour les élèves qui n’ont satisfait qu’à des exigences de base au degré secondaire I (« écoles à exigences de base ») est très différent de celui des élèves répondant à des exigences plus élevées. Lors de la première année post-obligatoire, plus de 40 % des premiers n’avaient pas réussi à entamer une formation certifiante au degré secondaire II : ils se trouvaient dans des solutions transitoires ou ne suivaient aucune formation. Ils étaient également nettement surreprésentés dans les formations professionnelles de deux ans avec attestation fédérale de formation professionnelle (AFP).

Comme le montrent nos résultats, la situation de formation au degré secondaire II des jeunes ayant participé à notre étude reste étroitement liée à leur origine sociale. Les enfants issus de familles à faible niveau d’éducation ou au statut socio-économique peu élevé étaient presque deux fois plus nombreux dans des solutions transitoires ou sans formation pendant la première année que ceux de familles cultivées et aisées (30-35 % contre 16-17 %). À l’inverse, ils n’étaient même pas moitié moins nombreux dans les écoles de formation générale (<20 % contre près de 50 %).

Le contexte migratoire également continue à jouer en Suisse un rôle déterminant pour le succès de la formation. En comparaison avec les jeunes « autochtones », les jeunes issus de la migration se retrouvaient nettement plus souvent dans des solutions transitoires ou sans formation. C’est notamment vrai pour les jeunes migrantes et migrants de la première génération, dont environ 40 % se trouvaient dans cette situation au cours de la première année post-obligatoire et encore environ 15 % durant la deuxième.

La plupart de ces constats descriptifs bivariés restent également valables dans l’analyse multivariée, c’est-à-dire lorsque l’on examine l’une des caractéristiques sous contrôle statistique de tous les autres paramètres.

Les transitions dans la comparaison entre les cohortes

Si l’on compare la situation de la seconde cohorte TREE (TREE2) dans la première année post-obligatoire à celle de la première (TREE1), on constate que la part de celles et ceux qui entament directement une formation professionnelle est restée assez constante dans les deux cohortes, à près de 50 % (cohorte 1 : 49 %; cohorte 2 : 47 %). En revanche, l’entrée dans des écoles de formation générale a nettement augmenté, passant de 27 % pour la cohorte 1 à 32 % pour la cohorte 2. La part des jeunes qui n’ont pas pu accéder directement à une formation certifiante au degré secondaire II n’est par contre qu’à peine inférieure dans la cohorte 2 (22 %) à celle de la cohorte 1 (25 %).

Les résultats pour la deuxième année post-obligatoire confirment la nette augmentation des élèves fréquentant des écoles de formation générale : si leur part était d’un peu plus d’un quart dans la première cohorte (26 %), elle se rapproche d’un tiers dans la seconde (32 %). À l’inverse, dans la comparaison entre les deux cohortes, la part des jeunes accomplissant une formation professionnelle initiale a diminué de 4 points de pourcentage dans la deuxième année (passant de 64 à 60 %).

Dans l’étude TREE2, la part des jeunes diplômés d’une école de maturité gymnasiale ou professionnelle s’élève à plus de 40 %. Selon nos estimations, la part correspondante dans l’étude TREE1 devrait se situer autour de 30 %.

Si, en plus des maturités gymnasiales, on tient également compte des maturités professionnelles et spécialisées, nos résultats indiquent dans l’ensemble que la proportion de jeunes suivant une formation ouvrant l’accès à une formation supérieure du degré tertiaire a fortement augmenté dans la comparaison entre les cohortes. Dans l’étude TREE2, la part des jeunes diplômés d’une école de maturité gymnasiale ou professionnelle s’élève à plus de 40 %. Selon nos estimations, la part correspondante dans l’étude TREE1 devrait se situer autour de 30 %.

Si l’on considère la formation professionnelle, la comparaison entre les cohortes fait ressortir une certaine polarisation. La stratification du système éducatif suisse s’est accentuée dans la mesure où l’obtention d’une formation à exigences élevées (maturités professionnelles) est devenue plus fréquente, mais qu’il en va de même pour les formations peu qualifiantes (AFP). Lorsqu’on compare les deux cohortes, on constate que la part de jeunes n’ayant pas (encore) réussi à accéder à une formation certifiante du degré secondaire II en deuxième année post-obligatoire a peu changé : dans les deux cohortes, elle est de près de 10 %. Compte tenu des risques potentiels liés à un passage différé ou à l’absence de passage vers le degré secondaire II, ce groupe continue à mériter une attention particulière de la part de la recherche et de la politique de l’éducation.

L’effet persistant du système à filières du degré secondaire I

Pour une évaluation inter-cohortes des changements des mécanismes qui interviennent lors de la transition cruciale du secondaire I au secondaire II, nous avons calculé pour les deux cohortes des modèles de régression. Même si le contexte institutionnel entre les moments de la transition a beaucoup changé d’une cohorte à l’autre (années 2000 et 2016), les résultats pour les deux cohortes TREE sont très similaires. Les compétences et les notes scolaires jouent un certain rôle dans la réussite de la transition vers le degré secondaire II. Cependant, les paramètres relatifs à l’origine tels que le sexe, le statut social, le contexte migratoire ainsi que des facteurs institutionnels et régionaux tels que la filière fréquentée au degré secondaire I et la région linguistique jouent un rôle important pour les deux cohortes.

Figure 2 : Distribution des scores COFO 2016 en mathématiques selon la filière (vérification de l’atteinte des compétences fondamentales). – Selon les documents COFO de 2016, la valeur critique de mesure a été fixée à 0.4 point d’échelle. Les élèves dont les résultats aux tests sont inférieurs à cette valeur de référence (à gauche de la ligne rouge dans le gra-phique), n’ont pas atteint les compétences de base minimales en mathématiques (Angelone & Keller, 2019). C’était le cas de 38 % de tous les élèves, cependant avec des différences importantes selon la filière fréquen-tée : 6% dans les filières à exigences élevées, 34% dans celles à exigences étendues et 75% pour celles à exi-gences élémentaires (Consortium COFO, 2019).

La figure 2 présente la distribution des résultats du test COFO en mathématiques (vérification de l’atteinte des compétences fondamentales), selon les trois filières standardisées au niveau national que la cohorte TREE2 a fréquentées à la fin du degré secondaire I. L’ampleur du chevauchement des trois courbes de distribution est frappante. Il est d’environ 50 % entre les filières à exigences élémentaires ou étendues et atteint même près de deux tiers entre les exigences étendues et élevées. Il y a même un chevauchement considérable de plus de 25 % entre la filière la plus basse et la filière la plus exigeante (exigences élémentaires contre exigences élevées). Les résultats des tests dans cette zone de triple chevauchement ont donc été obtenus par des élèves de toutes les trois filières. Des analyses antérieures des compétences en mathématiques dans le cadre de PISA révèlent des schémas de distribution pratiquement identiques (Ramseier et al., 2002, p. 70).

Nos résultats sont en accord avec un grand nombre de constats sur la « zone grise méritocratique » dans les systèmes d’éducation ségrégatifs (Kronig, 2007). Le « diagnostic » sur lequel repose cette répartition est considéré par beaucoup comme très peu fiable et induit des résultats qui, même sous contrôle des compétences et des performances, sont très sélectifs sur le plan social (cf. par exemple Angelone et al., 2013 ; Neuenschwander et al., 2013). De nombreuses analyses des données de la première cohorte TREE (TREE1) montrent par ailleurs combien la filière fréquentée au degré secondaire I prédétermine en Suisse le parcours formatif et professionnel post-obligatoire (Hupka-Brunner & Meyer, 2021 ; Meyer, 2009).

Même sous contrôle de toutes les mesures de performances disponibles, l’ampleur des liens entre les filières du secondaire I et les formations du secondaire II est considérable.

En résumé, nos résultats indiquent des effets institutionnels marqués. Ceci vaut tout particulièrement pour l’effet persistant du système à filières du secondaire I en Suisse (« tracking »). Même sous contrôle de toutes les mesures de performances disponibles, l’ampleur des liens entre les filières du secondaire I et les formations du secondaire II est considérable. Par conséquent, les élèves qui avaient été orientés vers des filières à « exigences élémentaires » au degré secondaire I se voient systématiquement confrontés à des difficultés pour l’accès à des programmes de formation (plus exigeants) du degré secondaire II – même si leurs capacités le leur permettraient. Au lieu de cela, ils se voient exposés à un risque accru de connaître un parcours formatif discontinu et d’abandonner la formation prématurément – une fois encore dans une large mesure indépendamment de leurs capacités.

22 % de la cohorte TREE2 n’ont pas pu accéder directement à des formations certifiantes du degré secondaire II. Ils ont suivi différents types de solutions transitoires (10e année scolaire, stages pratiques et autres) ou n’ont eu aucune activité formatrice (que ce soit de manière temporaire ou durable). Dans la première cohorte TREE (TREE1), cette proportion était de 25 %. Au vu de la situation nettement moins tendue sur le marché des places d’apprentissage pour la deuxième cohorte, on aurait pu à première vue s’attendre à un pourcentage plus élevé de transitions directes et non différées vers la formation professionnelle initiale – et donc à un recul plus net des solutions transitoires.

Références

Citation

Meyer, T., & Gomensoro, A. (2022). L’école – et après ?. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 7(2).

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