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Certification professionnelle pour adultes dans le canton de Vaud

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Les métiers à faible niveau de qualification sont progressivement délocalisés hors de Suisse. Parallèlement, l’évolution technologique induit une élévation des niveaux de qualification et la demande en emplois qualifiés augmente. Ceci conduit à une pénurie de main d’œuvre qualifiée et à une dépendance accrue à la main d’œuvre étrangère. Ainsi, dans un contexte où l’immigration de masse est limitée, le recours à une main d’œuvre interne qualifiée devient un enjeu majeur. Face à cette évolution, la certification professionnelle pour adultes (CPA) joue un rôle majeur. Cependant, les personnes s’inscrivant dans une démarche CPA rencontrent des difficultés pouvant compromettre leur réussite. En s’appuyant sur un rapport réalisé par une équipe de recherche de l’Université de Lausanne concernant la CPA dans le canton de Vaud, le présent article expose les différentes étapes de ce processus de certification, les difficultés rencontrées par les acteurs-rices concerné-e-s, les facteurs de réussite ainsi que des propositions d’amélioration du dispositif.


En 2015, en Suisse, environ 470’000 personnes actives, âgées de 25 à 64 ans (soit 12% des personnes de cette tranche d’âge) ne possédaient aucun diplôme du secondaire II alors que la nécessité de promouvoir une main d’œuvre interne qualifiée devenait cruciale (Schmid, Schmidlin, & Hischier, 2016). Ce constat, effectué dans un environnement socioéconomique très dynamique généré par une globalisation et une évolution technologique rapide, telle la digitalisation de l’économie (Rossier, 2020), a rendu nécessaire de promouvoir la certification professionnelle pour adultes (CPA). La CPA peut en effet contribuer à faciliter l’évolution et la mobilité professionnelle, notamment des travailleurs-euses sans qualification ou exerçant dans des secteurs d’activité en décroissance.

En suisse, on distingue quatre voies d’accès à la CPA :

  1. La formation professionnelle initiale ordinaire ;
  2. La formation professionnelle initiale « raccourcie » (cf. Article 18 OFPr) ;
  3. L’admission directe à l’examen final (cf. Article 32 OFPr) et
  4. La validation des acquis de l’expérience ou VAE (cf. Article 31 OFPr).

Les deux premières voies s’adressent aux personnes ayant achevé l’école obligatoire (ou ayant une qualification équivalente) et qui sont au bénéfice d’un contrat d’apprentissage tandis que les deux dernières concernent des personnes en emploi, sans contrat d’apprentissage, et pouvant témoigner d’au moins cinq années d’expérience professionnelle dont une partie dans le métier envisagé.

Processus de la CPA

Dans le Canton de Vaud, pour les adultes en emploi sans contrat d’apprentissage, l’admission à l’examen couvre tous les certificats fédéraux de capacité (CFC) et toutes les attestations fédérales de formation professionnelle (AFP). Cependant, la VAE n’est à ce jour possible que pour dix professions. Le cheminement pour les adultes en CPA se déroule en quatre étapes :

  1. L’orientation au portail CPA ;
  2. L’admission et l’inscription ;
  3. La formation et/ou l’accompagnement
  4. Et enfin, la certification.

La phase d’orientation consiste pour ces personnes à rechercher des informations sur la procédure à travers le portail CPA (ou d’autres sources). Elles peuvent rencontrer un-e conseiller-ère en orientation du portail CPA lors d’une séance d’information qui est organisée sous forme d’entretien individuel. La phase d’admission consiste à rencontrer un-e psychologue conseiller-ère dans le cadre d’un entretien en vue d’élaborer un projet porteur de sens. Cet entretien est désormais systématique depuis 2017 pour les candidat-e-s VAE et pour les candidat-e-s à l’examen final. Il peut prendre la forme d’un entretien en présentiel ou consister en un appel téléphonique. Les personnes choisissant l’admission directe à l’examen peuvent, selon les modalités existantes, suivre la formation dans une école professionnelle avec les apprenti-e-s, suivre une formation spécifique le soir ou le samedi, ou se préparer de manière autodidacte. Il est attendu des personnes optant pour la VAE qu’elles élaborent un portfolio documentant leurs compétences opérationnelles correspondant à un travail personnel d’environ 250 heures, réalisé en grande partie à domicile. Ce dossier est alors évalué par des expert-e-s et les candidat-e-s reçoivent une attestation documentant les compétences acquises et celles non acquises. Ils–elles disposent d’un certain temps pour valider ces dernières au travers d’une formation complémentaire (dans des écoles professionnelles) ou au travers d’autres offres spécifiques. La certification est ainsi délivrée aux personnes ayant suivi avec succès les différentes étapes requises.

Seul-e-s quelques-un-e-s choississent la validation

Une série d’enquêtes menées auprès des candidat-e-s en CPA permet de rendre compte de l’efficacité perçue du dispositif ainsi que de leur expérience de l’intégralité du processus (Zufferey & Pittet, 2020). Une première enquête a été menée auprès de 281 personnes âgées de 18 à 60 ans, ayant débuté leur formation entre 2011 et 2020 (65% de femmes et 35% d’hommes). Cet échantillon – composé en majorité de Suisse-sse-s (52%), suivis de Portugais-es (17%), de Français-es (7%), d’Italien-ne-s (6%), de personnes originaires des autres pays européens (5%) et de pays hors de l’Europe (11%) – présentait une expérience professionnelle dans le métier envisagé comprise entre 0 et 40 ans (entre 0 et 34 ans en Suisse). Concernant les sources d’information sur la CPA mobilisées, plus de deux tiers des personnes ont consulté la page sur la CPA et plus d’un tiers ont été informés par des sources autres que le Centre d’orientation professionnelle, universitaire et de carrière (OCOSP), notamment à travers leur travail (employeur-euse, supérieur-e direct-e, responsable RH, collègue…), l’Assurance Invalidité (AI), les connaissances et les proches, les psychologues conseillers-ères en orientation et les centres de formation.

Les voies de CPA principalement suivies par ordre d’importance sont

  • l’admission à l’examen (46,6%),
  • la formation professionnelle initiale ordinaire (16,8%)
  • et la formation professionnelle initiale « raccourcie » (16%).

Les autres procédures connues mentionnées incluent la formation professionnelle condensée (7,9%), la VAE (4,6%) et la formation modulaire (0,4%). La majorité des personnes ayant choisi la voie de l’admission directe à l’examen ont préparé leur examen dans une classe d’adultes en école professionnelle (59.4%) ou dans une classe régulière d’apprenti-e-s en école professionnelle (20.3%), d’autres encore en autodidacte (11.7%) ou en école privée (8.6%). La diversité des voies est importante car elle permet d’offrir des possibilités adaptées aux compétences et expériences des bénéficiaires.

Facteurs motivants et facteurs de réussite et d’échec

Interrogées sur les facteurs les ayant motivées à s’engager dans une procédure CPA, les personnes mentionnent

  • Des facteurs professionnels comme le besoin d’acquérir de nouvelles compétences (57,7% d’entre elles) ou de faire reconnaitre son expérience (42%), une réorientation professionnelle (31,7%), la revalorisation salariale (27,8%), la progression dans la hiérarchie (24,9%), l’importance de mettre à jour sa formation antérieure perçue comme obsolète (20,6%), un changement d’entreprise (6,4%) ou la nécessité de (re)trouver un emploi (21,7%) ;
  • Des facteurs personnels comme se développer personnellement (49,8%), développer une confiance en soi (26,7%) ou se prouver qu’on est capable  d’obtenir  un  diplôme (23,5%) ;
  • Des facteurs liés à la formation comme le fait de remplir les conditions en vue d’accéder à une formation supérieure telle que le brevet fédéral, les écoles ES ou HES (30,2%) ;
  • Des facteurs de sécurité comme la protection en cas de licenciement (25,6%).
  • Une minorité parmi ces personnes effectue la démarche CPA en vue d’obtenir un titre suisse correspondant à leur expérience dans leur pays (12,8%), pour être reconnues par leur entourage proche (famille, amis, ou autres) (12,5%) ou pour créer leur propre entreprise (7,1%). La CPA semble donc effectivement favoriser une évolution professionnelle.

Concernant les facteurs de réussite, les personnes ayant opté pour l’admission directe à l’examen soulignent la qualité des cours (en classe d’adultes ou avec les apprenti-e-s ordinaires), du matériel de cours, des professeur-e-s et des référent-e-s métier pour celles qui en ont eues. Cependant, il est à noter que moins d’un tiers ont eu un-e référent-e métier, ce qui semble constituer potentiellement une difficulté. Qui plus est, on peut identifier des facteurs généraux qui importent comme la motivation, la maîtrise des compétences de base et des compétences métiers, le soutien dans son milieu professionnel et familial, et les ressources ou le soutien financier. Alors que les candidat-e-s ont mentionné deux facteurs de réussite spécifiques : la formation pratique de qualité sur le lieu de travail et l’accès à des cours adaptés aux adultes. Les personnes ayant opté pour la VAE ont souligné la qualité des ateliers et le suivi des conseillers-ères en orientation et en accompagnement VAE.

Parmi les personnes ayant échoué ou abandonné, la plupart remettent en cause la pertinence des examens ou évoquent des raisons personnelles comme la difficulté à concilier la vie professionnelle, familiale et éducative. Le facteur le plus souvent cité est le manque de clarté des critères d’examen, autant pour la pratique que pour la théorie ainsi que le caractère exigeant de l’évaluation des expert-e-s. Cela témoigne de l’importance d’évaluer, dès le départ, le niveau de compétence effectif des candidat-e-s pour éviter les échecs et proposer des moyens d’y remédier. Enfin, concernant plus particulièrement les candidates et candidat-e-s VAE, les causes d’échec majoritairement citées sont le manque de clarté des critères d’évaluation du portfolio ainsi que le niveau d’exigence des expert-e-s.

Pistes d’amélioration du dispositif

Sur la base des investigations menées auprès des candidat-e-s mais également auprès de différent-e-s acteurs-rices de la CPA, le rapport mentionne des pistes d’amélioration du dispositif dans le canton de Vaud. Les personnes s’inscrivant dans la procédure sont majoritairement satisfaites des prestations fournies dans la CPA, indépendamment de la voie qu’elles choisissent. Il existe cependant des points d’amélioration possibles pour accroître l’efficacité de la procédure. Des suggestions, dans le but d’ouvrir une réflexion entre les partenaires de la CPA, leur ont été faites et ont bien été accueillies par ces derniers-ères. Parmi ces suggestions ont peut relever les suivantes :

  • La très grande difficulté de certains candidat-e-s à développer de nouvelles compétences sur leur lieu de travail (dû à l’absence de référent-e métier, par exemple) est un facteur majeur d’échec. Pour assurer une formation pratique de qualité, un rapprochement entre les différent-e-s acteurs-rices de la CPA serait utile, notamment avec les associations professionnelles ;
  • En parallèle, des ateliers pratiques pourraient être mis en place dans les écoles professionnelles pour ne pas dépendre uniquement de la capacité des entreprises à accueillir des personnes en formation. Aussi, une collaboration plus étroite avec certain-e-s partenaires, comme l’ORP par exemple, pourrait servir à utiliser des mesures de ces institutions, comme un programme d’emploi temporaire, pour permettre à des candidat-e-s sans emploi d’avoir la formation pratique nécessaire ;
  • Il serait également pertinent que la formation théorique soit adaptée à la population adulte qui s’avère souvent être d’origine étrangère. En ce sens, des formations modulaires, le soir ou le week-end, seraient idéales pour les entreprises et pour les adultes car elles leur permettraient un maximum de flexibilité. Des cours intensifs de compétences de base pourraient permettre aux adultes, notamment ceux/celles qui n’ont pas accompli leur scolarité en Suisse, d’avoir le niveau nécessaire à la passation de l’examen. Les cours d’appui méthodologique pourraient permettre aux adultes suisses de se renouer avec les études et aux étrangers de se familiariser avec les exigences de la profession en Suisse ;
  • Pour favoriser l’entraide et la solidarité, il serait certainement préférable d’ouvrir un maximum de classes d’adultes et de les limiter à un nombre maximum de 15-16 adultes pour que chaque personne puisse recevoir un maximum d’attention ;
  • Une évaluation formative régulière et obligatoire, autant théorique que pratique, permettrait aux adultes de mieux se situer dans leur formation et de se sentir plus en confiance lors des examens de certification ;
  • Enfin, certaines personnes ont également suggéré que la procédure de qualification pourrait être davantage adaptée à un public adulte. A ce titre,l’unité des adultes du canton de Vaud travaille au développement de filières de formation professionnelle spécifiquement conçues pour les adultes et prenant en compte leurs besoins et leurs contraintes. Par ailleurs, des efforts sont également déployés pour prendre en compte des acquis en vue de faciliter les parcours. Les dispositifs CPA ont donc vocation à gagner en importance avec un accroissement du nombre de conseillers-ères CPA afin que chaque adulte puisse bénéficier d’un accompagnement optimal dans la définition de son parcours de formation et d’un suivi plus important dans sa progression.

Références

  • Rossier, J. (2020). Orientation tout au long de la vie : accompagner des parcours professionnels déstandardisés. Panorama, 6, 22-23.
  • Schmid, M., Schmidlin, S., & Hischier, D. S. (2016). Certification professionnelle pour adultes : enquête auprès des personnes concernées : rapport intermédiaire. Haute école pédagogique et Across Concept Analysis & Consulting.
  • Zufferey, R., & Pittet, M. (2020). Chemins vers le succès : Expérience des candidat-e-s en certification professionnelle pour adultes dans le canton de Vaud, facteurs de réussite et suggestion de développement. Université de Lausanne, Lausanne, Suisse. (consulté le 24 mars 2021).
Citation

Atitsogbe, K. A., Zufferey, R., & Rossier, J. (2021). Un mentorat plus soutenu, SVP !. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 6(2).

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